la guerre sous-marine

Lun. 9 Jan. 2017

PRÉLIMINAIRES
Aux yeux d'Hindenbourg, la guerre sous-marine intensive et sans restriction constituait, au début de 1917, la seule ressource à laquelle l'Allemagne pût encore avoir recours pour terminer la guerre victorieusement " après que les gouvernements de l'Entente l'eussent contrainte de continuer la lutte. "
Telle avait été d'ailleurs l'idée générale développée dans un rapport adressé, dès la fin de septembre 1916, par le G. Q. G. allemand au gouvernement impérial.
Mais il est assez curieux de lire, dans ses mémoires, les termes indignés d'Hindenbourg pour stigmatiser la barbarie de l'Angleterre, dont la marine bloque les ports allemands et qui fait vivre " 70 millions d'être humains dans une demi-famine ". Il faut une certaine dose d'aplomb ou d'inconscience pour chercher à apitoyer le genre humain sur cette pauvre Allemagne, qui a déchaîné la guerre et dont les armées ont massacré sans pitié d'innocentes populations et laissé les pays occupés et les prisonniers dans une détresse constante.
La guerre sous-marine avait, en réalité, pris naissance dès 1915, à la suite de la déclaration faite, le 18 février, par le gouvernement allemand à toutes les chancelleries. Il y était spécifié qu'à dater du 18 février, seraient détruits sans préavis tous les navires de commerce des puissances ennemies ou neutres, qui circuleraient dans la mer du Nord, la Manche et la mer d'Irlande, et qu'à partir du 1er mars, tous les paquebots ou navires de commerce armés seraient traités comme belligérants, c'est-à-dire coulés sans avertissement.
C'était la réplique à la notification faite, à la fin de 1914, par les gouvernements anglais et français aux nations neutres, portant interdiction, pour les navires de commerce de ces nations, de se rendre dans la mer du Nord autrement que par des routes déterminées.
Ces dispositions avaient été complétées le 13 mars, c'est-à-dire après la note allemande, par des mesures propres à assurer le contrôle des cargaisons : les bâtiments à destination de l'ennemi ou de provenance ennemie pouvaient être conduits dans des ports anglais ou français pour la visite de leur chargement.
Il s'agissait, en résumé, bien que le mot ne fût pas énoncé, de deux blocus de nature différente : blocus des côtes anglo-françaises par les Allemands; blocus des côtes allemandes exécuté à longue distance par les Alliés. Mais ces derniers, tout en étendant la prohibition à certaines denrées, tenaient compte du droit des neutres, tandis que les sous-marins allemands, agissant en véritables pirates, violaient toutes les lois internationales et humanitaires.
La déclaration allemande avait naturellement provoqué, dès le 12 février 1915, une protestation du président des Etats-Unis, à laquelle le gouvernement de Berlin avait répondu sans modifier son point de vue et ses prétentions : la guerre sous-marine ne cesserait que s'il recouvrait la liberté de se ravitailler en vivres et en matières premières. Quant à la contrebande des armes, il " espérait que le gouvernement américain en viendrait à une conclusion conforme aux principes de la vraie neutralité ".
Or, il est piquant de rappeler qu'au moment de la guerre de Lybie, l'Allemagne fournissait aux Turcs des armes et des engins de toute nature, pour combattre l'Italie qui était alors sa propre alliée.

ODIEUX ET AUDACIEUX ATTENTATS

L'échange des notes et des discussions continua donc sans arrêter la guerre sous-marine, et l'audace des pirates augmenta avec la confiance qu'ils mettaient dans l'inertie des neutres.
 

Le torpillage du Lusitania (7 mai 1915), dans lequel périrent 1.178 personnes, fut expliqué par l'existence supposée, à bord, de munitions de guerre. L'Arabic, coulé le 29 août suivant, avait, aux dires des Allemands, fait mine d'attaquer le sous-marin.
 
Le gouvernement américain n'eut pas de peine à réfuter les versions germaniques et obtint la promesse que les paquebots à passagers seraient épargnés à l'avenir. Il est presque inutile de dire que la parole donnée ne fut pas tenue: de nouveaux actes de piraterie ne tardèrent pas à prolonger l'échange des notes diplomatiques. 
En dépit de la réprobation générale que soulevaient, surtout dans les états de l'ouest, la barbarie et la duplicité allemandes, la patience du gouvernement américain semblait sans bornes; bien mieux, le président était allé jusqu'à faire réellement le jeu des Allemands, en sug gérant aux puissances de l'Entente le désarmement des navires de commerce. Il est vrai que cette proposition avait été presque immédiatement rapportée devant le mécontentement qu'elle avait provoqué; mais elle témoigne bien des sentiments de variabilité qui caracté risaient alors la politique officielle en Amérique.




Bientôt l'audace des Allemands, convaincus du caractère résolument platonique des protestations du gouvernement américain, dépassa toutes limites: en mars 1916, les torpillages de paquebots se multiplièrent au point de provoquer une nouvelle note, comminatoire celle-là (18 avril), par laquelle le président menaçait de rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement impérial.
Derechef, ce dernier s'engagea à ne plus couler les bâtiments marchands sans avertissement, sauf dans le cas de fuite ou de résistance, et le gouvernement américain se contenta, une fois de plus, de ces assurances.













 

Il n'y eut, naturellement, rien de changé dans la tactique agressive de la marine allemande. Bien mieux, quelques mois après la visite du sous-marin commercial Deutschland, qui parut souligner la vulnérabilité des côtes des Etats-Unis, un autre sous-marin de combat venait séjourner vingt-quatre heures dans un port américain et coulait, en sortant, six navires anglais, hollandais et norvégien, presque à la limite des eaux territoriales (10 octobre 1916).






 
Et, tandis que les torpillages se multipliaient dans les eaux européennes, l'Allemagne entamait, en vue de la paix, avec les puissances de l'Entente, des négociations pour lesquelles elle sollicitait, d'autre part, les bons offices des Etats-Unis (décembre 1916).
Ces tentatives n'ayant eu aucun succès en raison des prétentions exagérées du gouvernement impérial, le Kaiser ordonne, le 9 janvier 1917, la guerre sous-mmarine sans restriction. Il est intéressant de noter que cette décision est prise contrairement a l'avis du chancelier Bethmann-Hollweg. Le maréchal Hindenbourg n'en était pas personnellement partisan en automne 1916, parce ce qu'en raison de la gravité de la situation militaire, les Allemands n'avaient pas le droit de s'attirer un nouvel adversaire; mais, depuis l'occupation presque complète de la Roumanie, il a changé d'opinion: il considère que la guerre sous-marine, avec ses perspectives pleines de promesses, va raffermir pendant longtemps, dans le peuple et l'armée, le désir de continuer la guerre.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement impérial fait connaître, le 31 janvier 1917, sa décision à toutes les puissances neutres. En conséquence, à dater du 1er février, les sous-marins allemands torpilleront tout navire naviguant en vue des îles britanniques et des côtes françaises.
La notification aux Etats-Unis invitait le gouvernement à prévenir les vaisseaux américains des dangers qui les menaçaient dans les zones barrées indiquées, et les sujets des risques à courir s'ils confiaient leur personne ou leurs biens à des navire sabordant les ports situés dans ces mêmes parages. L'Amérique était cependant autorisée à expédier un navire par semaine aux ports anglais, à condition qu'il fût peint d'une façon spéciale et suivît des routes déterminées d'avance.

DÉCLARATION DE GUERRE

Ce fut réellement 1a goutte d'eau qui fait déborder le vase: l'ambassadeur Bernstorff reçut ses passeports par le Président et rendit compte de la mesure au Congrès le 3 février 1917. L'influence germanophile, qui tenta de s 'exercer à cette occasion dans cette assemblée, fut rapidement neutralisée par la communication d'un document saisi au Mexique. Il s'agis sait d'une note diplomatique destinée au ministre allemand de Mexico: il y était question, en cas de rupture avec les Etats-Unis, d'une alliance offensive et défensive avec le Mexique qui recevrait le concours financier de l'Allemagne et pourrait reprendre ses anciens territoires du Texas, de l'Arizona, et du Nouveau-Mexique. Le gouvernement de Mexico était, en outre, invité à s'entendre avec le Japon pour l'entraîner dans la combinaison.
C'en était de trop: l'audace, la mauvaise foi et la duplicité du gouvernement de Berlin eurent enfin raison de la patience américaine.
Le 6 avril 1917, les Etats-Unis se déclaraient en état de guerre avec l'Allemagne, et le général Pershing, commandant en chef des forces américaines, débarquait en France, avec les premières troupes, le 14 juin suivant.
Au tournant critique de l'histoire de la guerre, l'obstination insensée du gouvernement allemand courant manifestement au désastre, peut étonner à bon droit. A-t-il donc mésestimé la valeur de l'entrée en ligne des Etats-Unis au point de considérer leur intervention comme négligeable ?
La vérité est qu'à Berlin, le transport en France d'une forte armée américaine était réputé irréalisable. La marine considérant comme necessaire un tonnage de cinq tonnes par homme, y compris les gros bagages et le ravitaillement, ce transport d'un million de soldats américains devait exiger, un minimum, cinq millions de tonnes; or, les Allemands ne pensaient pas que l'Entente pût jamais réunir pareil tonnage. Cette erreur les a perdus.
 

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